vendredi 11 septembre 2015

Le processus de victimisation et l’imperfection humaine : notion de culpabilité

Je pense profondément que les causes d’une souffrance sont souvent recherchées sans tenir compte que l’être humain est physiquement et psychologiquement imparfait.
Je pense que cette omission inconsciente est un des obstacles invisible pour la recherche, la compréhension et le soin de l’anxiété.
Nous tous partons de l’idée que le corps humain est parfait, pourtant les souffrances dues aux douleurs et aux peurs inutiles, disproportionnées par rapport à la réalité, sont des événements quotidiens. Les dispositifs de défense de la vie que nous possédons sont efficaces et suffisants pour la conservation de l’espèce et son évolution, mais grossières et approximatifs pour les individus. Les évolutionnistes soutiennent que la nature tient à cœur seulement les intérêts de l’espèce et est indifférente au sort des individus, véhicules provisoires de DNA.
Nous souffrons de douleurs terribles pour une colique rénale mais ne ressentons aucune douleur lorsque un cancer se développe dans notre organisme.
Je ne suis pas en mesure de donner une explication du pourquoi. Il y a en nous le sentiment et l’idée que l’homme a été crée parfait.
L’espèce humaine, à la différence des autres, donne vie à des êtres inadaptés à survivre de manière autonome. Nous naissons avec un cerveau inachevé qui doit encore se développer pendant plusieurs années, et pour une longue période, nous sommes réellement inaptes à la vie sociale.
La plus grande peur des êtres humains, après celle de la mort, est d’être déconsidéré. Je pense que cette peur se construit dans la mesure où pendant l’enfance émerge l’idée qu’il faut « bien se comporter », « plaire aux autres », afin d’avoir de la nourriture, de la chaleur et des câlins.
Il est probable que dans cette phase de la vie se forme le lien indissoluble, le sentiment, l’émotion, l’idée, que ce que les autres pensent de nous fait partie de la survie.
Cette peur de ne pas être considérés de manière positive par les autres, et en suite par nous mêmes, est le « sentiment de culpabilité ».  L’obstacle, selon moi, le plus considérable au bonheur de l’être humain.
Celui qui veut provoquer chez quelqu’un un sentiment « d’être raté » utilise la méthode de la culpabilisation. Le but est celui d’obtenir un contrôle, de dominer l’autre après l’avoir affaibli psychologiquement en créant en lui le doute sur sa propre valeur et sur ses propres capacités.
Le moyen est surtout l’agressivité physique ou verbale, les mots critiques, dénigrants ou insultants. Mais aussi la mimique, le détachement, le retrait de l’attention, l’ironie, et d’autres comportements parfois très subtils, aident à atteindre le but.
Le sentiment de culpabilité est similaire au sentiment de honte que ressentent les enfants quand ils franchissent un interdit.
Une peur que trahit la rougeur au visage, phénomène qui probablement fait partie des mécanismes archaïques dans l’évolution de l’espèce. Une réaction de l’organisme opposée à celle produite face à un stress, lorsqu’ont devient pâles. Un message de la nature visé à manifester la faiblesse, et probablement destiné à apaiser la colère des autres. Face à un manipulateur cette réaction se traduit en un signal vert de laissez-passer.
La présence d’une manifestation si primordiale amène à penser qu’à la base du sentiment de culpabilité il y a un instinct primordial. L’instinct du groupe, le besoin d’inclusion, un des instincts de survie de l’espèce qui nous a poussés à ne pas nous séparer des autres pour ne pas courir de dangers mortels.
Nous, les êtres humains, sommes soumis aux lois de la nature. Nous avons développé des systèmes afin de garder l’unité du groupe.
Notre « aimant » est la panique, un mécanisme grossier et désagréable mais très efficace à nous faire rester unis. La panique continue à se manifester de nos jours. Dans notre société cette panique se manifeste quasi toujours suite à l’idée « d’être seul », refusés par le groupe social, comme par exemple une équipe de travail. Cette affirmation a d’autant plus de valeur si l’on considère toujours l’importance de la vie professionnelle pour les individus et pour la société. L’identification de la vie et de la valeur d’une personne au travers de la carrière professionnelle.
La peur de l’exclusion, intimement liée à l’instinct de survie, prend de l’ampleur et touche à la personne dans sa totalité.
La peur entraine le même mécanisme de défense que l’être humain met en place lorsqu’il se trouve à faire face à une menace à la survie. L’anxiété n’est donc pas la cause des alarmes neurovégétatifs mais bien l’effet des altérations à l’origine inconnues. Ce n’est pas l’anxiété qui provoque la tachycardie mais bien une augmentation des battements de cœur qui génère l’anxiété.
L’ensemble de ces réponses automatiques et autonomes de la volonté, en présence d’une menace à notre intégrité physique, transforme le corps, en millièmes de seconde, en une puissante machine de combat. Il s’agit de réponses autonomes, en dehors du contrôle. Cela est plus que opportun car si l’on devait nous mêmes décider comment faire pour éviter une voiture sur le point de nous renverser, nous en mourrions certainement.
Cependant l’imperfection humaine fait que s’il flotte le concept de danger, peu importe de quelle nature, le cerveau lance le signal d’alarme rouge pour la survie de l’espèce. Les réponses portent au corps force et d’énergie, et malgré sa puissance, notre machine de combat ne peut pas être utilisée. Lorsque cela se produit nous ressentons les variations somatiques des réponses qui résonnent à l’intérieur de notre corps et rejoignent la conscience sous forme de tempête neurovégétative incompréhensible. Cet événement génère l’émotion de la peur, de l’anxiété, de la panique.
Les victimes d’attaques constantes, de harcèlement en milieu professionnel, sont des machines fatiguées et déréglées à force de produire l’énergie nécessaire au combat ou à la fuite.
Une attaque de panique est toujours la perception consciente, imprévue et terrorisante des altérations qui se produisent dans le corps à cause d’une pensée subconsciente de danger. Elles sont interprétées comme mort imminente ou comme avoir l’impression de devenir fou.
Ce mécanisme pas encore affiné par l’évolution de l’espèce devient instrument d’attaque contre soi-même surtout dans le sentiment de culpabilité, qui n’est rien d’autre que la pensée d’être inaptes et vaincus lorsque ni la fuite ni le combat sont possibles.
La difficulté à comprendre ce qui nous arrive lorsque nous sommes victimes de harcèlement, descend de cette peur de ne pas valoir, donc d’être exclus et par conséquent en danger.
Je pense qu’expliquer aux victimes ces mécanismes peut déjà être thérapeutique. La compréhension du mécanisme corporel qui génère les phénomènes anxieux peut permettre à ceux qui en souffre de comprendre ce qui leur arrive. Cela permet de casser le cercle vicieux « anxiété – mystère – peur – anxiété ».
Au même temps je suis persuadée que l’accompagnement actif dans les démarches judiciaires éventuelles peut devenir le principal axe d’action vers la reconstruction.
Il ne s’agit pas d’utiliser les énergies dans le combat comme la nature nous suggère mais de prendre conscience de la possibilité de transformer ces énergies en force nécessaire pour faire face à la situation du moment.
La solitude que les personnes ressentent est immense lorsque les tentatives de réaction restent sans suite. D’où l’importance de figures professionnelles spécialisées et de méthodes rapides et efficaces.

lundi 7 septembre 2015

La résilience: surmonter le pouvoir de la mère toxique. Le paradoxe intérieur

Je m'inspire encore une fois du livre de Terry Apter "Les mères toxiques" pour réfléchir au sujet de la "résilience". Comment sortir de l'emprise d'une mère toxique? Les emails que je reçois actuellement via la blog ainsi que les personnes qui me contactent pour un rendez-vous en cabinet, me posent systématiquement cette question. Eh oui! la plupart des personnes que je rencontre me contactent parce qu'elles ont une mère manipulatrice (je continue à ne pas utiliser l'expression perverse narcissique, je n'ai pas le droit de faire un diagnostic! mais on parle de la même chose)

Le paradoxe intérieur, donc.

J'ai appris que nous développons notre personnalité non seulement au travers de nos sentiments et sensations, mais aussi par le biais de nos relations avec autrui. La mère en son bébé forment ce qu'on appelle la "relation fondamentale" dans laquelle la mère stimule la notion rudimentaire du "je" et de l'"autre".
Nous prenons conscience de nous à travers la curiosité que montre notre mère envers nos expériences et émotions. Une relation toxique prolongée avec notre mère aura un effet sur notre façon d'interpréter notre propre monde intérieur.

Comprendre qui nous sommes et donner un sens à notre histoire personnelle sont des aspects essentiels de notre bien-être. Pour comprendre qui nous sommes, nous devons aussi comprendre nos relations fondamentales.
Les enfants dépendent de la determination de leur mère à le comprendre. Une mère toxique prend possession des histoires de son enfant ou de son moi-autobiographique. Elle les condamne, les limite et les déforme. Au lieu de vérifier ses attentes et exigences par rapport aux désirs et capacités de l'enfant, elle lui dicte qui il est ou qui il devrait être. Cela présente un dilemme: renonce à ta propre voix (le lien entre ton moi intérieur et ton moi extérieur) et préserve cette relation significative ou essaye de protéger ta propre voix, mais subis le mépris, les critiques et le ridicule de la part d'une personne dont tu dépends.

Si tu ignores tes propres pensées et si tu nies tes propres souhaits pour satisfaire aux exigences d'une mère toxique, alors il ne te reste plus qu'à developper un faux moi. Si tu gardes foi en tes propres sentiments, pensées et besoins, alors une relation authentique avec une personne que tu aimes t'est refusée.

Chacune des options pose problème. Même si vous l'enfant est prêt à renoncer à sa propre voix, il ne pourra pas satisfaire aux conditions de ce dilemme. Il/elle doit déployer une quantité énorme d'énergie mentale dans la tentative de réprimer ses véritables pensées et sentiments qui luttent pour trouver d'autres moyens d'expression. Il/elle sera probablement puni(e) pour l'expression partielle de vos pensées et sentiments.

La plupart des mères participent à la quête innée de leur enfant pour être compris. Elles trient et séparent leurs propres besoins de ceux de leur enfant. Elles apprennent à le connaître en l'observant, l'écoutant et le questionnant. Elles montrent qu'elle l'écoute attentivement, même quand elles endossent le rôle de guide et de gendarme.

Dans un environnement suffisamment bon, les enfants travaillent dur pour apprendre à leur mère à être un suffisamment bon parent. De différentes façons et de différents stades de leur vie, les enfants utilisent différentes tactiques pour informer leur mère de leurs changements d'opinions et d'aspirations. Ils la persuadent d'ajuster son point de vue sur qui ils sont et qui ils veulent être. La persuasion prend de nombreuses formes. Il suffit parfois un "rappel d'identité": " ce n'est pas ce que je pense!" ou bien "je n'aime plus ça depuis que je suis petit(e)". Des disputes peuvent éclater à cause de la frustration de l'enfant qui peut aussi bien naître de ses propres incertitudes que la maladresse de la mère. Ajuster et négocier cette relation est une entreprise passionnante et des heurts sont inévitables.

Les enfants qui décrivent une mère toxique subissent des frustrations à répétition quand ils essayent d'améliorer et de négocier ce lien fondamental. Ils pensent que leurs efforts pour communiquer, expliquer et mettre à jour leur relation sont considéré comme "mauvais". Ils décrivent une mère qui punit toute résistance à son contrôle. Ils se sentent piégé(e)s par son autojustification. Le monde de l'enfant devient flou, paradoxal et capricieux.

Pendant l'adolescence, quand le fils ou la fille met à profit de nouveaux pouvoir de persuasion et d'argumentation pour expliquer et se défendre, la mère toxique ressent l'indépendance et la différence de son enfant comme dangereuses. Elle punit, le ridiculise, l'ignore. Les conversations se heurtent à un mur. On constate d'habiles dérobades, des tentatives pour noyer le poisson et des excuses étranges. Les paroles sincères de l'enfant semblent se dissoudre dans le chaos.

Un mère toxique prend le contrôle du passé, y compris de la mémoire de l'enfant. Le message: "Comme tu n'est qu'un enfant, c'est toi qui te souvient mal; si tes souvenirs sont incompatibles avec mon histoire, alors tu inventes, tu déformes  ou tu imagines des choses - comme les enfants le font". L'énorme impact émotionnel sur l'enfant de la punition ou du ridicule n'est pas prise en compte. Le message est: "Tu n'as aucune raison de te plaindre". Même les événements violents ou la maltraitance sont passés sous silence, niés ou censurés par ces mêmes personnes dont nous dépendons pour faire résonner notre vie intérieure.

Une mère toxique nous présente le paradoxe d'être à la fois proche et fermée.