Je pense profondément que les
causes d’une souffrance sont souvent recherchées sans tenir compte que l’être
humain est physiquement et psychologiquement imparfait.
Je pense que cette omission
inconsciente est un des obstacles invisible pour la recherche, la compréhension
et le soin de l’anxiété.
Nous tous partons de l’idée que
le corps humain est parfait, pourtant les souffrances dues aux douleurs et aux
peurs inutiles, disproportionnées par rapport à la réalité, sont des événements
quotidiens. Les dispositifs de défense de la vie que nous possédons sont
efficaces et suffisants pour la conservation de l’espèce et son évolution, mais
grossières et approximatifs pour les individus. Les évolutionnistes soutiennent
que la nature tient à cœur seulement les intérêts de l’espèce et est
indifférente au sort des individus, véhicules provisoires de DNA.
Nous souffrons de douleurs
terribles pour une colique rénale mais ne ressentons aucune douleur lorsque un
cancer se développe dans notre organisme.
Je ne suis pas en mesure de
donner une explication du pourquoi. Il y a en nous le sentiment et l’idée que
l’homme a été crée parfait.
L’espèce humaine, à la différence
des autres, donne vie à des êtres inadaptés à survivre de manière autonome.
Nous naissons avec un cerveau inachevé qui doit encore se développer pendant
plusieurs années, et pour une longue période, nous sommes réellement inaptes à
la vie sociale.
La plus grande peur des êtres humains,
après celle de la mort, est d’être déconsidéré. Je pense que cette peur se
construit dans la mesure où pendant l’enfance émerge l’idée qu’il faut
« bien se comporter », « plaire aux autres », afin d’avoir
de la nourriture, de la chaleur et des câlins.
Il est probable que dans cette
phase de la vie se forme le lien indissoluble, le sentiment, l’émotion, l’idée,
que ce que les autres pensent de nous fait partie de la survie.
Cette peur de ne pas être
considérés de manière positive par les autres, et en suite par nous mêmes, est
le « sentiment de culpabilité ». L’obstacle, selon moi, le plus considérable au bonheur de
l’être humain.
Celui qui veut provoquer chez
quelqu’un un sentiment « d’être raté » utilise la méthode de la
culpabilisation. Le but est celui d’obtenir un contrôle, de dominer l’autre
après l’avoir affaibli psychologiquement en créant en lui le doute sur sa
propre valeur et sur ses propres capacités.
Le moyen est surtout
l’agressivité physique ou verbale, les mots critiques, dénigrants ou
insultants. Mais aussi la mimique, le détachement, le retrait de l’attention,
l’ironie, et d’autres comportements parfois très subtils, aident à atteindre le
but.
Le sentiment de culpabilité est
similaire au sentiment de honte que ressentent les enfants quand ils
franchissent un interdit.
Une peur que trahit la rougeur au
visage, phénomène qui probablement fait partie des mécanismes archaïques dans
l’évolution de l’espèce. Une réaction de l’organisme opposée à celle produite
face à un stress, lorsqu’ont devient pâles. Un message de la nature visé à
manifester la faiblesse, et probablement destiné à apaiser la colère des
autres. Face à un manipulateur cette réaction se traduit en un signal vert de laissez-passer.
La présence d’une manifestation
si primordiale amène à penser qu’à la base du sentiment de culpabilité il y a
un instinct primordial. L’instinct du groupe, le besoin d’inclusion, un des
instincts de survie de l’espèce qui nous a poussés à ne pas nous séparer des
autres pour ne pas courir de dangers mortels.
Nous, les êtres humains, sommes
soumis aux lois de la nature. Nous avons développé des systèmes afin de garder
l’unité du groupe.
Notre « aimant » est la
panique, un mécanisme grossier et désagréable mais très efficace à nous faire
rester unis. La panique continue à se manifester de nos jours. Dans notre
société cette panique se manifeste quasi toujours suite à l’idée « d’être
seul », refusés par le groupe social, comme par exemple une équipe de
travail. Cette affirmation a d’autant plus de valeur si l’on considère toujours
l’importance de la vie professionnelle pour les individus et pour la société.
L’identification de la vie et de la valeur d’une personne au travers de la
carrière professionnelle.
La peur de l’exclusion,
intimement liée à l’instinct de survie, prend de l’ampleur et touche à la
personne dans sa totalité.
La peur entraine le même
mécanisme de défense que l’être humain met en place lorsqu’il se trouve à faire
face à une menace à la survie. L’anxiété n’est donc pas la cause des alarmes
neurovégétatifs mais bien l’effet des altérations à l’origine inconnues. Ce
n’est pas l’anxiété qui provoque la tachycardie mais bien une augmentation des
battements de cœur qui génère l’anxiété.
L’ensemble de ces réponses
automatiques et autonomes de la volonté, en présence d’une menace à notre
intégrité physique, transforme le corps, en millièmes de seconde, en une
puissante machine de combat. Il s’agit de réponses autonomes, en dehors du
contrôle. Cela est plus que opportun car si l’on devait nous mêmes décider
comment faire pour éviter une voiture sur le point de nous renverser, nous en
mourrions certainement.
Cependant l’imperfection humaine
fait que s’il flotte le concept de danger, peu importe de quelle nature, le
cerveau lance le signal d’alarme rouge pour la survie de l’espèce. Les réponses
portent au corps force et d’énergie, et malgré sa puissance, notre machine de
combat ne peut pas être utilisée. Lorsque cela se produit nous ressentons les
variations somatiques des réponses qui résonnent à l’intérieur de notre corps
et rejoignent la conscience sous forme de tempête neurovégétative
incompréhensible. Cet événement génère l’émotion de la peur, de l’anxiété, de
la panique.
Les victimes d’attaques
constantes, de harcèlement en milieu professionnel, sont des machines fatiguées
et déréglées à force de produire l’énergie nécessaire au combat ou à la fuite.
Une attaque de panique est
toujours la perception consciente, imprévue et terrorisante des altérations qui
se produisent dans le corps à cause d’une pensée subconsciente de danger. Elles
sont interprétées comme mort imminente ou comme avoir l’impression de devenir
fou.
Ce mécanisme pas encore affiné
par l’évolution de l’espèce devient instrument d’attaque contre soi-même
surtout dans le sentiment de culpabilité, qui n’est rien d’autre que la pensée
d’être inaptes et vaincus lorsque ni la fuite ni le combat sont possibles.
La difficulté à comprendre ce qui
nous arrive lorsque nous sommes victimes de harcèlement, descend de cette peur
de ne pas valoir, donc d’être exclus et par conséquent en danger.
Je pense qu’expliquer aux
victimes ces mécanismes peut déjà être thérapeutique. La compréhension du
mécanisme corporel qui génère les phénomènes anxieux peut permettre à ceux qui
en souffre de comprendre ce qui leur arrive. Cela permet de casser le cercle
vicieux « anxiété – mystère – peur – anxiété ».
Au même temps je suis persuadée
que l’accompagnement actif dans les démarches judiciaires éventuelles peut
devenir le principal axe d’action vers la reconstruction.
Il ne s’agit pas d’utiliser les
énergies dans le combat comme la nature nous suggère mais de prendre conscience
de la possibilité de transformer ces énergies en force nécessaire pour faire
face à la situation du moment.
La solitude que les personnes ressentent
est immense lorsque les tentatives de réaction restent sans suite. D’où
l’importance de figures professionnelles spécialisées et de méthodes rapides et
efficaces.