Ça n’est pas pour rien que mon grand-père paternel
portait le nom d’un empereur (César) et que mon père porte celui d’un roi
(Henri). Mon frère (David) aussi d’ailleurs. Une lignée de pervers-narcissiques. Evidemment enfant je ne connaissais pas
ce mot, mais très tôt je me suis dit qu’il y avait un truc qui ne tournait pas
rond. Au départ, forcément, je pensais que ça venait de moi.Je ne me pouvais en parler avec personne, tant mon
père à l’extérieur semblait « charmant ». Je me souviens de mes
copines qui me disaient : « t’as de la chance ton père est si jeune,
il est si beau, il a l’air cool ». Si seulement elles savaient, elles ne m’auraient pas cru.
J’enviais leurs pères plus vieux, qui me semblaient rassurants.A la maison c’était tout sauf rassurant. On vivait
dans la peur, toujours en retrait, à se contrôler, à se demander quel faux-pas
on allait commettre qui allait déclencher sa fureur, quelle circonstance extérieure
allait l’énerver : des patates trop cuites ou pas assez, l’Italie qui perd
au foot… En fait, c’était imprévisible. Et là les reproches, les insultes
pleuvaient, sur moi, sur ma mère, sur mon frère. Une seule chose me sauvait,
comme il disait, c’est que je travaillais bien à l’école. Ça il ne manquait pas
de s’en vanter à l’extérieur.Ensuite il voulait qu’on oublie, il disait qu’il
n’avait rien fait, certes, mais dit oui. Il se faisait passer pour une victime
qui dans sa maison n’avait rien le droit de dire. Il ne comprenait pas qu’on
« fasse la gueule ». Quand il voyait qu’il était allé trop loin (et
ce trop loin était toujours repoussé), il faisait en sorte de se rattraper avec
des cadeaux en tous genres.Parfois, il n’arrivait pas à se contrôler ou il se
laissait aller, ça arrivait avec des personnes qui devenaient assez proches. Il
se relâchait et pouvait parfois exploser en leur présence. Je me souviens bien de
l’incompréhension dans leurs regards, la première fois que ça arrivait, comme
s’il découvrait une autre personne. Et là un mélange de honte, de haine et de
culpabilité m’engouffrait. Même eux je les détestais d’avoir été là pendant une
séance de plus d’humiliation.Aujourd’hui l’histoire continue avec ma jeune sœur. Rien
ne peut le faire changer. Le seul conseil que je puisse lui donner c’est de
bien travailler à l’école pour pouvoir « fuir » de la maison le plus
tôt possible, limiter les contacts (je passais mon temps dans ma chambre ou
ailleurs) et mentir pour mener une vie « normale ». Notre vérité lui
étant insupportable.Autour de moi, je connais beaucoup d’amies qui ont été
en couple avec un pervers-narcissique. Je me dis d’un côté c’est culpabilisant
car elles ont en quelque sorte choisi ce compagnon et elles ont d’ailleurs pu le quitter. Avec mon père, je n’ai
rien choisi et je trouve ça profondément injuste.Cela m’a appris à être très tôt indépendante, à les
repérer, à me jurer que jamais dans ma vie sentimentale je ne subirais ce genre
d’individu.Pendant 12 ans, j’ai décidé de ne plus le voir. Lui de
son côté, n’a fait non plus aucun geste en ce sens. C’est à
« l’occasion » du décès de son père que nous avons été en quelque
sorte obligés de nous « reparler ». Depuis je maintiens des rapports
éloignés avec lui, un coup de fil une fois par mois environ et je vais le voir,
surtout pour ma sœur, peut-être deux jours par an. Je ne parle toujours de rien de personnel avec lui, il
essaie de se contenir, mais je vois bien qu’il est à chaque fois à la limite de
craquer. Mais il sait, que c’est sans aucun scrupule que je mettrais fin à
notre « relation ». Il continue à me faire miroiter (et à sa nouvelle
famille aussi) comme durant mon enfance, des promesses, et on fera ça, et je
vous emmènerai là. La meilleure étant « quand je gagnerai au loto je te
donnerai… ». Sauf que papa (mot que je ne peux plus prononcer), tu ne
joues pas au loto !
Elda